On en entend de plus en plus parler, même si elle existe depuis maintenant depuis plusieurs années. Les réalisateurs y ont de plus en plus recours, et elle est à présent reconnue comme une technique pointue aux résultats époustouflants, j'ai nommé la motion capture ! Puisqu'on a entendu toute sorte d'abominations sur le sujet et que bien souvent on ignore de quoi on parle jusque dans les hautes sphères de la critique cinématographique française, je me suis dit que faire un petit récapitulatif sur le sujet pourrait être intéressant.



Faisons d'emblée la différence entre la motion capture et la performance capture. La motion capture est une technologie d'enregistrement des mouvements d'objets ou de personnes utilisée dans le domaine militaire, le divertissement, ou le sport, mais aussi la médecine et la robotique. Appliquée dans le domaine de la réalisation, elle devient la performance capture, à savoir qu'au delà de la simple retranscription d'un mouvement, ensuite modélisé en 2D ou en 3D par ordinateur, elle permet de retranscrire des émotions, des animations du visage, et se base ainsi sur la performance pure de l'acteur, et non sur une simple animation. Mais ce n'est pas tout : les mouvements de caméra peuvent eux aussi être capturés, ce qui permet par la suite, en post-production, de s'affranchir des limites physiques imposées par un tournage live.


Robert Zemeckis fut un des précurseurs de l'utilisation de la performance capture, mais elle ne fut vraiment découverte qu'avec la révélation d'Andy Serkis dans le rôle de Sméagol/Gollum, dans Le Seigneur des Anneaux. C'est alors qu'on se rend peu à peu compte de l'impact émotionnel possible avec ce fantastique outil de travail, qui demande néanmoins une importante préparation aux acteurs.


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Peter Jackson, par la suite, réutilisera cette technique dans King Kong, et on retrouvera Andy Serkis dans le rôle du singe César dans La Planète des Singes : Les Origines. Avatar, de James Cameron utilise également la performance capture, ce qui a fini de la rendre populaire.

Mais il n'y a pas que les films live qui ont eu recours à la performance capture, les films d'animations également, comme Monster House ou encore Happy Feet

Avec le succès grandissant de cette méthode, on a assisté en 2007 à la naissance du premier film entièrement basé sur la performance capture, à savoir Beowulf, de Robert Zemeckis. Ray Winstone, en incarnant le héros, a démontré qu'avec la performance capture, l'acteur pouvait enfin se détacher de l'entrave des critères physiques et être néanmoins crédible !

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Alors tout ça, comment ça marche ?

La performance capture se sert d'un outil d'analyse photogramétique (c'est un mot barbare pour dire "de l'image", concrètement...), qui permet de retranscrire un mouvement sur un ordinateur. On place des "marqueurs" sur le corps et le visage d'un acteur, vêtu d'une combinaison, au niveau des articulations, ou des points animés du visage (ce qui permet de reproduire les expressions) pour identifier le mouvement en analysant la position ou les angles entre les différents marqueurs.  Il existe différentes catégories de marqueurs (acoustiques, passifs, LED, réflecteurs...), et la combinaison de ces marqueurs est enregistrée, à une vitesse en général deux fois plus élevée que le mouvement initial à reproduire, afin de faire coller au millimètre près les positions.
Ensuite, on peut visualiser le mouvement réalisé sur un ordinateur à l'aide d'une animation. James Cameron sur Avatar a même utilisé un système lui permettant de voir en temps réel le rendu de ce qui était filmé en performance capture ce qui facilitait son travail, notamment avec les acteurs.

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Concrètement, quels sont les avantages et les inconvénients de la performance capture, et que lui reprochent ses détracteurs ? 

En s'affranchissant du choix physique de l'acteur, les réalisateurs peuvent juger d'une performance pure, loin de tout critère physique. On pourrait presque dire ainsi que cela est l'aboutissement parfait du travail d'un acteur : pouvoir se mettre dans la peau de n'importe quel personnage, y compris animal, et lui donner vie, dans le sens littéral du terme. Ensuite, d'un point de vue purement pratique, les films réalisés avec cette technique comme Tintin, se libèrent du carcan de la physique, ce qui donne des scènes hallucinantes impossibles (ou du moins beaucoup plus compliquées) à réaliser en live, et la quantité d'images animées en un court laps de temps est plus importante que dans l'animation dite "traditionnelle", ce qui permet une bonne efficacité et de tenir plus facilement les temps de production.
Avec son utilisation dans les jeux vidéos, comme Heavy Rain ou encore L.A Noire, on accède à un nouveau niveau de gameplay, un niveau émotionnel jusque là difficile à atteindre, ou un rendu des mouvements beaucoup plus naturel, comme dans Red Dead Redemption où l'animation des chevaux a été obtenue par performance capture, ou encore dans les jeux de sports récents.


D'un autre côté, investir dans cet outil est cher, et les petites productions ne peuvent généralement pas se le permettre, et seuls quelques systèmes permettent de se rendre compte en temps réel du rendu de la capture. En cas d'erreur, il est donc généralement plus facile de retourner une scène que de manipuler les données enregistrées.
Les détracteurs de la performance capture lui reprochent de "dénaturaliser" le cinéma, en le rendant trop "technologique" et "facile". Puisqu'on peut modifier à volonté l'image en post-production, les anti-performance capture estiment que le travail du réalisateur n'a plus autant d'impact que dans un tournage live dont les possibilités de rattrapage des erreurs post-tournage restent limitées.

Toutefois, il faut reconnaître l'immense intérêt de la performance capture qui a donné accès à un nouveau type d'animation, rendant possible des choses qui n'auraient jamais été crédibles autrement, je pense à Gollum dans Le Seigneur des Anneaux mais la liste est longue.


Pour terminer, une petite vidéo de Yannick Dahan dans La Quotidienne du Cinéma, qui nous parle avec véhémence de la performance capture dans Tintin de Steven Spielberg, et qui défend son utilisation, ce qui résume tout à fait ma pensée.




 


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